top of page

Philosophie et société

07/01/2010

​

Lettre ouverte à Léon-Marc Levy sur " Camus " philosophe et Artiste"

En premier lieu j'aimerais vous dire que j'apprécie cette rapidité de la pensée qui vous caractérise avec un évident humanisme.

Mais ceci posé, je suis parfois étonnée de l'acuité avec laquelle vous savez analyser certains sujets, et combien aussi parfois vous n'accédez pas à d'autres. Je crois savoir pourquoi, mais c'est sans importance, on ne peut pas être bon tout le temps et c'est d'ailleurs le signe de notre humanité...

Pardonnez-moi, je ne suis ni censeur ni moraliste, mais je ne pouvais laisser passer « Le philosophe et l'artiste » tel que vous le relatez.

Je connais bien BHL et pour tout dire si je suis admirative devant son intelligence intrinsèque réelle, je déplore qu'elle ne l'ait pas mis à l'abri d'un narcissisme primaire qui réduit sa pensée et sa réflexion. Comme quoi l'intelligence et l'affect n'ont rien à voir pour chacun d'entre-nous.

Mais sur ce qu'il a écrit sur Camus, je suis parfaitement en accord.

Sans doute qu'il « transférise » un peu, mais sa vision de la philosophie artiste est concrète et au plus près de la réalité.

Je n'ai pas envie de jouer les BHL, mais je vais parler un peu de moi parce que c'est plus facile.

Ce qu'il dit de Camus, c'est ce que l'on dit de moi depuis des années et si au départ cela m'agaçait, d'autant qu'on comparait ce que j'écrivais à Camus justement, j'ai fini par comprendre ce qui me liait à lui, mais aussi à Nietzsche, pour lequel j'ai essayé de vous dire certaines choses. Et d'ailleurs par petits mots sur le « réagissez » à certains d'entre vous j'ai demandé d'éviter les références et les consensus. Nous avons besoin de partage d'idées et de réflexions à partir de nous, de notre pensée. La cautionner par des idées reconnues est un truc scolaire et stérile.

Être soi pour de vrai.

Vous voyez comme le langage est « artistique » lorsque débarrassé des mots des autres il ne nous reste que les nôtres à inventer et assembler pour une pensée cohérente. Souvent ils nous ramènent à une langue de l'enfance que les pollués mésestiment.

Être soi vraiment...

L'authenticité, l'impérieuse nécessité pour certains dont je suis, d'une pensée débarrassée des consensus qui polluent et réduisent à un intellectualisme conventionnel et de bon ton dans les bons salons.

L'hypocrisie et les mensonges mentaux sont si bien installés dans notre société, qu'il est parfois difficile sous le vernis des références constantes, de saisir l'approximation et la malhonnêteté intellectuelle.

Pensée unique disait JF Kahn.

Des années plus tard, je tempêtais comme lui contre cette pensée humaine qui avait peur de penser vraiment, comme si développer certaines idées, allait faire surgir l'hydre et le diable et toutes les sorcelleries enfouies sous la bienséance religieuse et sociale.

Mais revenons à Camus et à BHL qui pour une fois, parce que son narcissisme ressemble à celui de certains artistes, a rendu au plus près ce qui est de la pensée et de l'art. De la philosophie et de la vie.

Je suis une personne qui pense dont la pensée s'agrandit de l'observation quotidienne du monde dans lequel j'existe en tant que personne pensante et personne de l'art. Ce qui est la même chose. L'art n'est pas là pour faire joli. Il est la traduction visuelle, auditive et sonore de ce qui se joue à huis clos et encore invisible pour ceux qui ne sont pas de l'art. La fonction qui est la nôtre n'est pas du confinement dans un cercle restreint, mais de la transmission, humble, pour ce qui pourrait participer de l'évolution.

Il y a des mots de l'art et aussi des pulsions de l'art, voire des compulsions, allez, je sacrifie aux clichés, mais ce qui est sûr c'est que lorsqu'en plus de l'aptitude à l'art, nous avons celle de l'analyse et de la synthèse, nous faisons de la philosophie au plus près de la nature humaine.

Et j'applaudis à ce qu'a dit BHL. Mais Molière aussi et Jean de La Fontaine.

Albert Camus, dont sa cousine a aimé mon roman sur l'Algérie au point de m'écrire combien je l'avais bouleversée, écrivain elle-même et qui œuvre depuis des années pour une reconnaissance plus large d'Albert Camus, sera heureuse des propos de BHL.

"Philosophe artiste" le plus beau compliment qu'on puisse faire à Albert Camus, parce qu'en deux petits mots il réconcilie en lui ce qui l'a constamment écartelé : le corps et l'esprit, la chair et l'âme. La pensée rationnelle et l'émotion qui emporte. Il reconnaît en lui l'homme qui pense, seul et faillible, authentique, libre...Comme Nietzsche.

S'il vous plait Léon-Marc, ne lui refaites pas ce qu'on lui a déjà fait.

D'autant que la philosophie n'appartient pas à une communauté restreinte et savante, elle appartient à tout homme capable de penser.

Qu'importe qu'il se trompe, d'ailleurs est-ce qu'il se trompe ?

Et si vous permettez à l'artiste que je suis, femme et blonde de surcroît, mais nous serons toujours vos mères en plus d'être vos maîtresses, vos épouses, vos amantes, mais vos sœurs aussi, de vous suggérer d'aller plus loin en vous, plus loin devant, je clôturerai cette chronique avec l'impression d'avoir tendu la main à un homme capable de la prendre.

bottom of page