Meurtre en direct sur TF1 : Michael Vendetta, l’arrogance de la jeunesse contre les frustrés
01/02/2010
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Un assassinat en direct devant des millions de téléspectateurs, vendredi dernier sur TF1.
Les mêmes qui pleurent pour les morts d’Haïti ou les bébés phoques, les enfants malades du Téléthon et parfois même pour les Sdf qui crèvent de froid sur notre sol national. Les mêmes qu’on trimballe à gauche ou à droite, qu’on fait pleurer ou rire, frapper ou tuer selon les besoins de l’histoire et les manipulations qu’ils subissent. Les mêmes qui furent et demeurent passivement ou actifs, collabos, délateurs, tueurs pros ou occasionnels et qui trouvent dans les nouveaux jeux du cirque mis en place par des autorités médiatiques proches du pouvoir, un exutoire à leur violence et à leurs frustrations ; à ces diverses peurs qui les entraînent à se regrouper pour se sentir plus fort.
Ces millions de gens capables de « tuer » sur incitation ne sont pas plus méchants que d’autres, seulement plus vulnérables, plus fragiles, c’est d’ailleurs pourquoi ils peuvent pleurer aussi spontanément qu’ils détruisent. Et c’est aussi pourquoi ils sont les proies faciles d’un système encore immuable où un chef régit la meute, et quelques individus la plus grande masse. Mais c’est pourquoi aussi ils sont si dangereux.
Les « communicants » de tout bord qui cherchent à asseoir leur pouvoir tout en générant des milliards qui viendront alimenter les caisses noires des politiques et des gouvernements ainsi que les réseaux de drogues dans un mouvement infernal et ininterrompu, connaissent bien les processus de dynamique de groupe.
Ce n’est pas anodin que certains sports nationaux soient devenus des creusets de racismes et de violences endémiques capables à tout instant d’exploser, au lieu de rassembler autour d’une noblesse partagée.
D’où d’ailleurs la nécessité d’un balancier pour ces mêmes communicants, et l’installation d’autres jeux destinés à freiner la pression sans pour autant l’éradiquer.
« La ferme célébrités » fait partie de ces derniers.
Sous le prétexte d’amusements collectifs, elle donne en pâture aux téléspectateurs, quelques individus à « tuer ». Sans violence sanglante, mais le principe est le même. Il flatte les instincts meurtriers et permet de les exprimer sans remords ni complexes, parfois même dans le rire et la joie. Mais s’il encadre la violence, il ne la détruit pas. Il l’exalte au contraire dans cette collectivité d’anonymes qui permet tout.
J’ai regardé l’émission pour la première fois vendredi dernier, parce que pour comprendre le monde dont on est, il nous faut évidemment tout voir bien en face. Et je l’ai vu et bu jusqu’à la lie, jusqu’au dégoût de mes semblables, ignorants du mal qu’ils faisaient, et sans doute innocents et joyeux de le faire dans cette grande messe nationale organisée par TF1.
Le jeune homme qu’ils ont « sacrifié » s’appelle Michael Vendetta. Peut-être le connaissez-vous pour l’avoir entendu sur des chaînes parfois prestigieuses, puisqu’il est passé sur toutes, se glorifier d’être beau (il a d’ailleurs inventé un mot « bogossitude »), d’être sain, de ne pas boire ni fumer et de ne prendre aucune drogue. “Faites du sport et vous serez comme moi beau et fort” clame-t-il partout.
Franchement, peut-être que Michael Vendetta n’a pas inventé le fil à couper le beurre dont on n’a d’ailleurs plus besoin aujourd’hui, mais ce qui est sûr c’est qu’il lui a fallu beaucoup de courage et de volonté pour sortir de son petit quartier et sans appui investir les plus grands plateaux, rencontrer les animateurs en vogue et avoir des millions de passages sur son site perso. De la provocation facile direz-vous ? Quand bien même. À 19 ans, l’âge auquel il a commencé son petit tour de piste, c’est assez normal.
Que ne donneraient certains parents pour avoir des adolescents qui lui ressembleraient un peu. Les 3⁄4 de notre jeunesse sont sous effets. Alcoolisés, drogués et sans force, ils trimballent leur mal de vivre, de revendications irrationnelles en destructions systématiques d’une société qui les a pollués à la racine et qu’avec ce qui leur reste d’instinct, ils perçoivent dangereuse.
Alors lorsqu’un électron libre ainsi que l’est Michael Vendetta, jette une boule et fait tomber les quilles, qu’importe que cela ne soit pas correctement politique, qu’il ne soit pas d’une culture autorisée et qu’il n’ait pas les bons mots pour le dire, ça fait du bien à l’âme et ça réconcilie avec la vie.
Seulement, il est jeune notre petit trublion et trop d’enthousiasme, de naïveté et de méconnaissance des médias ne lui ont pas permis d’évaluer les haines qu’il allait engendrer.
Tous ces animateurs falots et sans esprit qui s’étaient engouffrés dans sa récente notoriété, ne sont pas sortis indemnes de leurs confrontations médiatiques avec lui, et petit à petit en se servant de leurs antennes, ils ont commencé à faire courir des rumeurs sur la personnalité de M.Vendetta, histoire de le ridiculiser. Qu’il ne soit plus crédible, mais risible.
Et j’en reviens au meurtre autorisé, à l’hallali collectif et à la curée.
En quelques mois il s’est vu affublé de mots outranciers et c’est à celui ou celle qui allait l’inviter et s’autoriser à le démolir publiquement et consensuellement.
TF1 a donc vendredi dernier, porté à Michael Vendetta un coup fatal en forme d’estocade pour lui montrer qu’elle pouvait le réduire ; que tant que durerait l’émission, c’est elle qui tirerait les ficelles et distribuerait les coups, mettant en place pour l’occasion, rien ne se perd et tout s’anticipe, ces jeux du cirque et une arène où les téléspectateurs pourront médire, juger, piétiner et jeter, tuer en somme, celui ou celle qui sera désigné à leur vindicte.
Sur Internet des commentaires courent actuellement pour dire de Michael Vendetta « qu’il est à tuer et à effacer de la surface de la terre… ».
Des gens qui ne le connaissent même pas, mais qui expriment-là et sur lui, toutes leurs frustrations.
Des gens qui peuvent concentrer sur une personne qu’on les autorise à supprimer sans risque de représailles, la haine de l’autre qu’on leur a inculqué avec la peur de la différence, et qui dans cette haine autorisée et meurtrière, parviennent à enfouir l’espace d’un moment, l’anonymat de leurs petites vies avec l’impression enfin d’être de ceux dont la voix compte.
Des gens qui manipulés sont et seront toujours à l’origine des pogroms, meurtres et exactions qui entachent l’histoire des hommes.
Ce n’est pas la même chose dites-vous ?
Vous vous trompez, c’est exactement de cela qu’il s’agit.
L’art et la manière d’utiliser la matière vive des populations, à des fins d’autocraties politiques et financières.
Mais voilà qu’apparaît un récalcitrant, un empêcheur de museler en rond.
Nos adolescents d’aujourd’hui sont effectivement pour la plupart sous effets. Entre alcools, drogues et velléité, ils transportent leur mal de vivre comme une gangrène dont ils ne savent comment se débarrasser, dont ils n’ont souvent même pas conscience, mais qu’on leur a insufflé, sciemment, afin de mieux les maîtriser, aussi lorsque apparaît un récalcitrant, un empêcheur de museler en rond qui écrit sur son site et avoue sur les plateaux nationaux « Petit j’étais moche et gros, j’ai décidé d’être autrement et je le suis devenu. Vous voulez être beaux ? Faites du sport, ne prenez pas d’alcool, ne vous droguez pas, mangez sainement et vous serez beaux !”; qu’entre en scène un idéaliste qui croit que tout est possible, qu’on doit avoir des objectifs, s’y tenir et que si on veut on peut, et les sphères concernées par la maîtrise des masses ont des sueurs froides au point de mettre en marche des jeux sur grands écrans, où les petits meurtres entre amis sont à l’ordre du jour.
La “mise à mort” de Michael Vendetta a été programmée et diffusée en direct sur TF1 vendredi dernier, et au contraire de ce que vous penserez peut-être en lisant cette chronique, elle n’est ni anodine ni sans conséquences sur les esprits fragiles et vulnérables. Sur ceux dont je parlais plus haut, capables de tuer leurs voisins, leurs frères, leurs camarades, vous peut-être, si on vous désigne pour cible.
Alors, alors vraiment, peut-être que Michael Vendetta n’a pas les mots pour bien dire, que ses cheveux ont trop de gel et qu’il est habillé comme un cador, mais ce qu’il préconise c’est ce qu’auraient dû entendre ces adolescents rencontrés dans le cadre d’un travail sur « Paroles de jeunes ! » et dont certains sont morts aujourd’hui faute de n’avoir pas entendu une seule voix leur dire : Ne vous droguez pas, ne vous soûlez pas, faites du sport et vous serez beaux ! Être beau pour être reconnu et aimé… Une vérité simple et mal comprise.
Au contraire de ce que l’on croit communément, l’apparence comme maîtresse du jeu n’est pas une déviance d’aujourd’hui, mais un concept préhistorique. Le monde animal dont nous sommes nous le rappelle constamment : être beau pour séduire, être choisi et procréer. Perdurer.
En regardant pour la première et dernière fois l’émission de TF1 vendredi dernier, j’ai repensé aux jeux du cirque, aux gladiateurs, aux arènes et aux corridas, mais aussi et surtout à la désespérance d’un monde qui au travers des jeux cherche à oublier son délitement et ses failles, son impuissance à être heureux. J’ai repensé à une Elodie de 16 ans, héroïnomane, dont les mots prennent maintenant une signification particulière « Le plaisir, c’est ce que tu prends quand t’as pas de bonheur ! »
Les enfants, ça sait toujours l’essentiel.