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Bernard-Henri Lévy et Tariq Ramadan : kif kif sur la méthode.

15/02/2010

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Avant que vous ne lisiez cette chronique, je voudrais dire que j'aime bien BHL, parce que par goût personnel j'aime ceux qui sont capables d'oser et cela d'autant plus s'ils possèdent une pensée vive. Ce qui est incontestablement son cas.

Je l'aime bien aussi parce que même dans ces dysfonctionnements qu'il nous assène comme des vérités quasi universelles, il garde une sensibilité toute méditerranéenne, faite effectivement d'outrance, de vanité, d'enfance et de générosité, et qui moi me séduit.

 

Le problème, c'est le mixage de ces paramètres une fois hors culture tribale et territoriale. Les hommes du sud tendent à rester à vie des hommes du sud et ils transposent dans leur vie professionnelle ce qui fait qu'ils sont eux. Seulement ce qui dans une culture et un environnement méditerranéen est normal devient vite insupportable sous des cieux plus tempérés.

Et BHL en fait trop dans son dernier livre paru chez Grasset "Pièces d'identité". Vraiment beaucoup trop. Je suis souvent complaisante à son égard parce que je le crois plus près de l'enfance égotiste que de la prédation, et qu'il est né à Beni Saf comme ma mère ce qui crée des liens, mais je ne pouvais pas à la lecture de ce livre, ne pas réfléchir sur le fond et à "la tentation de l'innocence" qui l'anime.

La tentation de l'innocence est un système qui permet aux nations, mais aussi à titre individuel de se poser en victime et ce faisant s'autoriser à être bourreau. Dans un premier temps culpabiliser pour déstabiliser, puis se draper des valeurs dites humaines jusqu'à s'y confondre et peut-être même à y croire et enfin investi d'un pouvoir pris au nom de « l'innocence » maîtriser enfin des nations ou des individus.

Dans les couples et pour les individus, on parle de violences psychologiques et de paranoïa tandis que pour les nations, on dit « ingérence au nom des droits bafoués », mais s'il y a de vrais combats à mener pour la liberté, ils sont en général le plus souvent douteux, destinés à asseoir une emprise politique et économique, et ce toujours au nom de « l'innocence ». Pauvre Haïti où déjà se nouent des fils d'intérêts où l'humain a peu de place...

Un système connu donc, que BHL utilise régulièrement et qu'il exploite à outrance dans son dernier livre où il relate ses diverses actions humanitaires, dont deux que d'emblée on peut inscrire dans cette « tentation de l'innocence » à son profit : Bosnie où son intervention très médiatisée a mis en péril la vie de certaines personnes emprisonnées et en passe d'être libérées (source RG) et Darfour où il dramatise, toujours très médiatiquement, le manque d'aide à la population, ce que l'honnête Rony Brauman a aussitôt démenti sur France Inter, dans un langage clair et chiffré d'homme intègre.

Je pourrais ainsi revisiter presque toutes ses prises de position, mais je m'en tiendrai là aussi à deux exemples : l'affaire Polanski et celle de « la pensée juive » traitées dans son dernier livre.

Pour Polanski qu'il défend en signalant qu'on n'écoute pas la victime qui souhaite oublier ce qui lui est arrivé, mais en faisant l'impasse sur la réalité du fait : acte avéré de viol et sodomie d'une mineure auparavant droguée et alcoolisée, rappelons à BHL qu'au-delà de la provocation qu'il joue histoire d'étinceler dans les médias, la loi existe, et que la loi Américaine tient compte du délit, seulement du délit.

Elle n'accuse pas Polanski parce qu'il est juif ainsi que le dit un autre auteur Yann Moix, soucieux de préserver le « génial Polanski » de « La meute » en dessous, qui lui veut du mal ainsi que la plèbe en a voulu autrefois à l'aristocratie.

Elle ne l'accuse pas plus pour l'exemple, un procédé plutôt Français.

Non, rien de cela. Polanski a commis un acte violent et depuis de nombreuses années la justice Américaine cherche à le récupérer à des fins de jugement. Rien d'autre. Si Polanski avait eu un minimum de regrets et d'honneur, il y a longtemps qu'il aurait affronté les tribunaux Américains.

Quant à « la pensée juive » réelle et digne de respect, le fait d'être utilisée par BHL, la dénature et l'entraîne à réveiller des antisémitismes latents à une époque où l'Orient et l'Occident s'entrechoquent.

Quand il utilise la Shoah comme moyen de « victimisation » pour imposer son idée d'une pensée juive et universelle qui guiderait le monde sous l'alibi que les malheurs antérieurs lui donneraient la compréhension absolue de ce qui est et sera, dans et pour tous les temps à venir, se référant au passage au Talmud, Torah et autres textes hébraïques, est absolument scandaleux et dangereux.

Scandaleux parce que BHL en parle en tant que religion du même ordre que d'autres religions, et qu'il n'est pas sans savoir que, un nous sommes une France laïque, et que deux, toutes les religions et pensées religieuses du monde sont d'abord et toujours des « pensées politiques ». Des concepts d'autorité politique à des fins d'appropriations d'individus, de nations, de territoires.

En utilisant cette belle Religion Juive si élaborée qu'il faut une vie pour l'approcher un peu, mais dont le contenu sage et rationnel permet de mieux vivre son quotidien avec les siens et les autres, il l'envoie là où les islamistes envoient leur Islam, à la conquête du monde. Alors qu'elle est peut-être la plus spirituelle de toutes, qu'elle sait mieux que d'autres mêler le divin et la chair, il la sort de son rôle pacificateur et réparateur d'âmes pour la projeter sur la scène des batailles et des guerres de pouvoir.

C'est exactement ce que font les islamistes et à l'observation de ces faits, on peut dire que l'attitude de Tariq Ramadan avec l'Islam est exactement semblable à celle de BHL avec la pensée juive.

Culpabiliser les autres et se « victimiser » au mieux pour s'autoriser à être bourreau et prendre le pouvoir, évidemment toujours au titre de la défense d'une humanité souffrante et du droit à la liberté pour chacun.

BHL et Tariq Ramadan, deux personnalités à priori aux extrêmes, mais qui appliquent les mêmes méthodes, prouvant une fois encore que les extrêmes se ressemblent toujours et que « la tentation de l'innocence » reste la plus perverse des méthodes pour fédérer les individus et les peuples.

Evidemment reste l'objectif. Mais je n'ai pas plus envie de vivre l'orthodoxie juive, que la soumission voilée des Islamistes. La Chrétienté, elle, ayant abandonné l'inquisition depuis longtemps, je ne la vois pas désireuse de reprendre des fonctions dans notre République.

Pour conclure je redirai donc ce que je vous ai déjà dit, j'aime bien BHL. Je déplore juste ce jeu ambigu où il s'embrouille sans doute autant qu'il nous embrouille.

Je me suis souvent demandée pourquoi la civilisation juive dont je suis, a cette propension à couper les cheveux en 24.000, que dis-je en 100.000, et puis aussi à ne parler que de morts et de guerres, de mémoire si nécessaire soit-elle, alors qu'elle pourrait aussi transmettre ce qu'elle a de vivant : Une diversité unique fruit de ses racines, mais aussi de sa diaspora qui de l'art à la cuisine et de l'intellectualisme aux gâteaux, place toujours l'amour et le rire au centre de sa vie. Avec le sens de la fête, de la beauté et de la séduction.

Cette séduction que nous utilisons à l'instinct, comme pour nous protéger des mauvaises choses qui pourraient nous atteindre...

Ce que BHL dévoie avec « la tentation de l'innocence » qui l'habite, et qu'Alain Finkielkraut regarde avec tendresse en concluant dans « Le juif imaginaire » qu'il ne s'en sert plus pour gagner les choses, enfin, sauf avec les femmes.

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