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ROMS OU GITANS : LES PESTIFÉRÉS DE L’HISTOIRE

03/12/2010

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Il aura fallu les dérives politiques et les stratégies totalitaires de fin de règne de Nicolas Sarkozy pour qu’enfin nous portions nos regards, voire nos cœurs sur ces populations brimées, rejetées et incomprises.

Aujourd’hui ce sont des Roms qui mendient dans les rues, sans doute les « romanichelles » d’autrefois, mais en plus grand nombre.

 

Hier c’était « des gipsys, des gitans, des tziganes » des pas français en somme, qui bien que devenus Français, sont toujours repoussés et indésirables, au même titre que les Roms qui n’en sont qu’au début de leur diaspora de la Roumanie au vaste monde, et dont le tragique destin en ces derniers mois, a pour bénéfice d’enfin mettre le doigt sur la désastreuse situation des nomades dans leur ensemble, sur le sol de France, et ailleurs.

Ethnies, nomades et transhumance, roms ou gitans : mêmes causes, mêmes effets.

Il y a quelques décennies, on les appelait communément « les gitans » avec condescendance et mépris, parfois « manouches » et depuis quelques années « les roms » confondant les tribus, les familles, leurs histoires et leurs diasporas. Et si les gens du cirque « les saltimbanques » d’autrefois, n’avaient su mettre en avant quelques Zavatta et autres Django Reinhardt, ils seraient demeurés confondus avec « ces gens du voyage » terminologie dont ils viennent de s’approprier l’étiquette pour se différencier des autres nomades, alors que ce terme-là correspond à tous les nomades, quelles que soient leur route et leur façon de vivre. Mais, peut-on leur reprocher d’avoir peur des exactions possibles d’un gouvernement qui vient de se commettre dans une discrimination digne d’une histoire française pas si lointaine, dont nous avons et nous aurons toujours honte ?

En dehors des Roms (et encore, que de brassages dans cette partie du monde), on peut dire qu’il y a entre tous les autres gens du voyage, forains, gitans, manouches et autres « transhumans » des interactions humaines, des mariages et des liens. Des individus sont passés d’un groupe à un autre au point que pendant de nombreuses années, ils ont tous été perçus et rejetés de la même façon.

La différence entre gitans, tziganes, manouches et forains d’hier avec ceux d’aujourd’hui, c’est que certains ont mis à profit des talents culturels préservés au cours des siècles : musique, danse, jeux du cirque, jusqu’à maîtriser les grandes fêtes foraines et devenir des musiciens reconnus. Qu’ils s’appellent Manitas de Plata, Django Reinhardt ou Bozo, ils ont ouvert des portes pour une certaine catégorie d’entre-eux, sur des vies plus confortables et parfois sédentaires. L’exotisme du flamenco ou de la guitare, la beauté d’une femme qui danse sous la voix rauque d’un vieil andalou plus ou moins édenté, l’angoisse de la grande roue et la joie de la foire du trône sont au palmarès des plaisirs.

Hélas, de la même façon que des antisémites ont des amis juifs, nombreux sont ceux qui haïssent gitans, forains et manouches, qui les veulent loin de leur environnement, tout en se les offrant, justement, le temps d’une soirée dans un théâtre, en famille sur des stands de jeux ou au cours de vacances lorsqu’ils repèrent l’auberge espagnole la plus pittoresque et peuvent devant des danses et des chants qui chantent l’amour, le désespoir et la vie, avoir quelques frissons.

Roms d’aujourd’hui et gitans d’hier : le rejet les renvoie au nomadisme, à l’analphabétisme, à l’insalubrité, au système D.

La transhumance et le nomadisme sont issus de la même cause.

Les Roms dont une grande partie de la population fut réduite en esclavage par les Hongrois, et ce jusqu’à la deuxième guerre mondiale, n’eurent ni la possibilité d’apprendre à lire ou à écrire. Guerre et stalinisation n’ont rien arrangé et les Roms se sont retrouvés démunis et dans l’incapacité de survivre sur leur territoire. Commença alors pour eux ce qui s’était produit pour les gipsys des siècles auparavant : la transhumance vers des pays plus cléments.

Ceux que nous appelons communément gipsys, gitans ou tziganes, sont issus d’une tribu venue de la Perse antique qui les rejeta, mais qui au cours de leurs déplacements au travers des siècles, furent d’abord protégés par les princes et les populations qui les appréciaient pour leurs médecines ou leur savoir-faire, avant d’être pourchassés et repoussés loin des villages et des cités sous l’impulsion de l’église et des fanatismes qui les diabolisèrent.

Ainsi qu’ils le sont encore aujourd’hui par les municipalités et l’absence de lois gouvernementales, quand dans l’impossibilité d’accéder à des terrains pourvus d’eau, d’électricité et de sanitaires, ils sont réduits à vivre dans des conditions insalubres bien proches de certains camps d’internement, et dont on vient quand même, et malgré les conditions inhumaines, les déloger et les renvoyer. Mais pour où … ? Facile ensuite de dire avec dégoût « regardez comme ils sont sales, comment ils vivent, on ne veut pas de ça chez nous ! »

Génocide passif ?

Écartés des lieux de vie sociale, des échanges culturels et professionnels et surtout de l’alphabétisation, les gitans ont développé un communautarisme et des protections identitaires, ainsi que le font tous les peuples opprimés et réduits, mais sans accès à l’école, à l’écriture et à la lecture, comment s’insérer, se sédentariser peut-être, communiquer et transmettre Qui se soucie de leur devenir et de celui de leurs enfants ?

À part Tony Gatlif, Emir kusturica et deux ou trois écrivains et associations, pas d’intellectuels ou de sociologues pour transmettre leur histoire. Cet itinéraire unique (avec celui des juifs) qui depuis des siècles les a transportés de la Perse aux camps d’extermination nazis où ils sont mort par centaines, en passant par la Grèce, l’Europe centrale, la France, l’Italie, l’Espagne, entre autres pays. Des connaissances accumulées et occultées par le reste du monde, avec les drames, les horreurs et les génocides qu’ils ont subis.

Une humanité dont la pensée, si elle était recueillie, pourrait être du même ordre que celle de la pensée juive, universelle.

Hélas, les gitans restent dans la mémoire collective, au mieux des voleurs de poules, au pire des assassins en puissance, pourvus d’instincts primaires et toujours prêts à jouer du couteau. Sûrement avec le temps serait arrivé ce qui est arrivé aux Indiens d’Amérique, ils auraient disparu. Et comme pour eux, les quelques individus qui auraient survécu, auraient été regardés comme les espèces en voie de disparition, avec affection ou presque.

Heureusement comme dit le proverbe « A toute chose, malheur est bon » et les brimades et injustices que subissent actuellement les Roms pourraient permettre à ceux qui les connaissent mal d’avoir une idée plus précise de leurs conditions de vie, et une réflexion plus large et positive sur le monde des nomades qu’ils soient gitans, manouches ou forains. Qu’ils le soient par culture ou nécessité.

Et puis, faut-il donc être forcément sédentaire pour être une personne reconnue et acceptée ?

Dans une globalisation terrestre où les nouvelles générations vont et viennent comme le faisaient nos pères sur leur lopin de terre, est-il si difficile d’imaginer que les mots « immigration, droit du sol, droit du sang » soient obsolètes et réducteurs, négatifs comme des peaux de bananes qui nous faisant chuter nous maintiendraient à terre au lieu de nous laisser debout à embrasser le monde ?

Et si le nomadisme qu’il soit professionnel, économique ou ludique devenait la seule façon de progresser et de vivre en osmose avec un monde dont le mouvement s’accélère ?

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