ESSAOUIRA, MA BELLE…
03/09/2010
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Roms, gitans, Israël, précarité…
Mais parler aussi du bonheur, des jolies choses, de ce plaisir qui nous répare, et vers lequel on tend. Le plaisir comme une source de vie…
Alors, aujourd’hui, dire Essaouira.
La beauté des villes qui barrent les mers et se dressent, blanches et debout face à la force des éléments, me bouleverse. Toujours.
Et celle d’Essaouira plus qu’aucune autre.
Quelque chose avec elle, d’essentiel qui serait des femmes et de l’eau, du liquide amniotique où la vie s’accomplit…
À l’abri sur sa presqu’île et derrière ses remparts, c’est dans l’impudeur de ceux qui possèdent la beauté, qu’Essaouira surgit sur l’horizon. Blanche d’abord, regardée depuis la plage, puis bleutée des entrées maritimes qui nuageuses flottent au-dessus de ses murs…
Il y a toujours dans ces villes blanches qui surplombent les mers, une puissance particulière, faite de plénitude et d’accomplissement, d’intemporalité, comme si jamais rien n’avait pu altérer quelque chose qui au fond ne serait pas des hommes, et seulement donné à nos yeux par un artiste compatissant qui tiendrait du divin.
Mais, à Essaouira la sensation est plus forte, et intense, et l’on est d’autant plus surpris lorsqu’on entre dans la ville, du mouvement qui la porte.
Je n’avais pas assez d’yeux et de sens pour voir et entendre, et ce fut tout au long des ruelles et des rues empruntées, comme un livre d’art dont les pages auraient tourné à me donner le vertige.
Les siècles sont passés sur le monde, bouleversant les frontières et séparant les hommes, mais sur la ville fortifiée des îles Purpuraires, ils n’ont rien dérangé.
À Essaouira l’histoire s’est suspendue et le phare de Sidi Magdoul avec la Porte de la Marine veillent toujours sur l’antique Mogador et sur ses transactions marchandes, défiants à la fois les envahisseurs, l’océan, l’incertitude des sables et le cours du destin.
A l’égale de Venise et Gênes, et ainsi que l’a voulu son fondateur Sidi Mohammed Ben Abdallah, la ville fut vouée au commerce et à l’échange des richesses, mais si le port et la pêche sont ancrés en elle ainsi que dans tout esprit insulaire, c’est l’art, la peinture et l’artisanat, le travail du bois, de l’argent et du fer avec celui des cotons et des soies, qui sont au cœur de la cité à qui son aspect rectiligne, malgré l’impression d’enchevêtrement, a donné son nom : Es saouira «la bien dessinée».
À Essaouira, on invente, on fabrique, on achète, on vend, on répare, on discute, on parle, on boit du thé dans des boutiques obscures et des échoppes étroites, à peine des entrées d’immeuble, mais aussi dans des riads dont les siècles, le sable et l’humidité de la mer ne sont pas parvenus à réduire la prestance. Les bois sont brisés et rafistolés souvent avec peu de moyens et ceux qui montent dans les étages et entourent les patios ont perdu leurs couleurs, mais de ce gris vermoulu, de l’approximation des pierres qu’ils soutiennent, naît une autre grâce, plus indulgente, et humaine…
Une ville ouverte donc sur l’Atlantique. Un souk, un marché où ce qui dominerait serait la création, l’art, le bleu et le blanc avec le bruit de la mer, dans une sérénité que même le piaillement goulu des mouettes et l’odeur âcre du poisson n’altèrent pas. Plus, ils y contribuent, et lorsque aux moments des festivals la ville entière chante sous les étoiles, la moindre particule d’Essaouira jusqu’alors indolente, fusionne avec les milliers de touristes venus écouter et respirer, bouger au rythme voluptueux d’une musique tribale, et qui retrouvent là et d’instinct des choses qu’ont dit païennes.
Des jours qui transforment la douce Essaouira en une vierge folle, mais tandis que l’effervescence s’empare de la ville, elle du haut de ses remparts, sirène redevenue, nous renvoie à l’Odyssée, au désir et à la séduction. Au plaisir. A la vie en somme.
Et en ces temps de doute et d’arrogance, de batailles et d’ère mortifère, on voudrait bien que le slogan « Faites l’amour pas la guerre » soit de nouveau d’actualité. Tant qu’à se perdre dans l’excès, qu’au moins il soit heureux…