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POUR NE JAMAIS ENTENDRE EN FRANCE : LORSQUE J'ENTENDS LE MOT CULTURE JE SORS MON REVOLVER !

18/01/2009

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Lycéens je vous aime. Je vous aime parce qu'alors que les adultes auront bientôt des torticolis à force de baisser la tête par soumission, vous, vous vous autorisez ce qu'eux n'osent plus. Vous revendiquez, vous discutez sur les valeurs de votre école, et votre liberté vraiment, est un souffle de vie.

Des lycéens au discours intelligent et sensé

France 2 au journal de vingt heures, un soir de la semaine dernière, interrogeait des lycéens :

-Vous allez continuer la grève ? Le président a déjà cédé puisqu’il reporte les réformes.

- Nous ne voulons pas de report, nous voulons abolir cette réforme.

Du haut de ses 16, 15, ou 17 ans, il a répondu calmement, simplement. Raisonnablement. Derrière lui les autres opinaient de la tête, attentifs et sérieux. Rien à voir avec les caricatures diffusées et vulgarisées par médias interposés genre « des bandes de jeunes ont envahi… » ou « des jeunes ont agressé… » .

Ceux-là des jeunes étaient organisés et disciplinés dans leurs revendications. Ils tenaient un discours intelligent et sensé. Et j’ai repensé à un livre « Quelle école demain ? », écrit il y a douze ans, alors que jeune journaliste, je croyais que l’information se devait de suggérer des réflexions et des prises de conscience ; n’avait d’autre objectif que celui de faire grandir les hommes et leurs sociétés, mais un livre aussi dans lequel, après des centaines d’entretiens avec des centaines de jeunes gens, j’avais pu approcher des forces. Forces vives d’une jeunesse capable, si un jour elle avait le bon leader, de battre les pavés de France.

Depuis, j’ai quitté le journalisme ou presque, l’art, les romans et les essais m’ouvrent plus d’espaces, mais de voir et d’entendre ces jeunes gens convaincus du bien-fondé de leurs revendications, m’a procuré un véritable bonheur. Je ne suis pourtant pas en accord avec eux, je crois même que la réforme des lycées est une nécessité, mais je suis admirative de leur aptitude à la « critique de la méthode », dans un monde où avoir une réflexion individuelle tient de l’exploit sportif niveau médaillé olympique.

La grève est la dernière des libertés, l’ultime ressource devant l’arbitraire, et celle des lycéens est une véritable leçon aux adultes que nous sommes.

Sans les médias, Nicolas Sarkozy ne peut exister.

La France est un pays de droits, mais de droits malmenés par un Président qui les bafoue sans éthique et qui ne trouve en face de lui que frilosité, ou, ce qui doit l’amuser, des émissions avec de savants et vieux professeurs et quelques vaniteux serviteurs (de ceux qui grenouillent toujours dans les antichambres des pouvoirs), qui pendant des heures analysent ses actions avant de s’en retourner chez eux, assurés d’avoir fait ce qu’il fallait faire : dénoncer.

Ce qui s’avère inefficace parce que les hommes politiques sont sans exception ou presque, des chefs de meute (les Gandhi hélas ne sont plus d’actualité,) capables si cela les arrange de proclamer « Lorsque j’entends le mot culture, je sors mon revolver » .

Si à l’égal des lycéens, les médias avaient fait abstraction de leurs intérêts personnels pour une identité et un avenir somme toute commun, ils auraient épaulé Patrick de Carolis et empêché la prise de pouvoir de Sarkozy sur l’audiovisuel. Nul ne peut imaginer une France sans son ni image ni information. Sans même cette horrible musique d’ascenseur déclinée sur les ondes en période de grève. Personne. Surtout pas lui dans l’impossibilité d’exister sans médias.

Mais voilà, les médias ont médiatisé. Point barre. Comme dit une jeune fille de mon entourage : « ça délire grave dans les chaumières ! »

Alors, lorsque j’imagine que des enfants de 12 ans pourraient être jugés responsables de leurs actes et internés en prison, j’ai comme une sale angoisse, un truc qui me ravage l’estomac ; si j’y ajoute l’audiovisuel, la justice, les juges d’instruction et des dizaines d’autres dérapages, je n’ai plus qu’une envie, c’est de rejoindre les lycéens et de faire avec eux ce que leurs parents avaient ébauché en 68 : la remise en question d’un gouvernement dont la démocratie semble bannie, et qui a plus à voir aujourd’hui avec des tribuns de l’Est, qu’avec ceux de Rome ou d’une Grèce qui a si bien servi l’esprit des lois.

Louise Gaggini

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